UNE PETITE LEÇON DE MAÎTRE :
BOURGUIBA, MONASTIR ET... HAMLET
N'étant pas pour autant Céline portraitisé en antisémite par Sartre, ni Elyès Jouini l'auteur du portrait assassin, je n'en pense pas moins que le meilleur Tunisien de sa génération des grandes écoles françaises est actuellement un agité du bocal post-bourguibien. Notre normalien en chef de la rue d'Ulm, tout à la réhabilitation de l'ancien éphémère président du Conseil du Bey Mohamed-Salah Mzali, donne tous les signes d'un redresseur de torts en voulant réhabiliter dans le même mouvement une aura de Monastir dont on devrait, plutôt que de suivre selon lui un poncif qui en ferait une ville faite par Habib Bourguiba, dire en revanche qu'en réalité c'est elle qui aurait fait ce qu'il est. C'est là s'aventurer sur un terrain glissant où l'ancien président de la Fondation Dauphine a sauté à pieds joints. Mais son autorité morale incontestée ---mais non incontestable, comme le bras invaincu mais non invincible dans Le Cid---ne peut couvrir un tel dérapage, ni donner une quelconque légitimité à une appréciation relevant de l'erreur et de la faute. Jouini s'attaque aux traits de génie d'un peuple qu'il tente en vain de circonscrire aux Monastiriens. Mais Bourguiba, cette force de, comme on dit, la Nature est aussi le fruit du hasard. Freud a bien montré qu'il fallait d'ailleurs s'étonner à juste titre que l'on puisse être choqué par cela. Et dans son bref ouvrage sur une longue étude de Léonard de Vinci, le père de la psychanalyse ---pour éclairer ce qui détermine notre vie alors que nous manifestons trop peu de respect pour la Nature et les hasards de notre enfance--- cite au demeurant le peintre de la Renaissance à cet égard et qui lui-même renvoie à Hamlet : Dame Nature ''est pleine de causes innombrables qui ne sont jamais passées dans l'expérience''. Bourguiba correspond à l'une des expérimentations par lesquelles ces causes, ces raisons de la Nature entrent dans l'expérience.
Wicem Souissi Psychanalyste
